… interminables où il ne se passe presque rien. (D’Ormesson).
Je vous ferai grâce de la suite car elle ne s’applique pas à mon propos, alors que nous voici à la fin de ce quatrième mois d’exil volontaire en terres natales. Ainsi, nous partîmes deux avec moult espoirs et raison quand par un prompt renfort nous nous vîmes un seul en arrivant au port de la vie professionnelle et sociale.
Votre serviteur dans le rôle du naufragé social. Perdu entre des vieux amis désormais « adultes » quasi mariés et surtout parents qui s’autorisent une sortie en célibataire par an pour contre-balancer leurs week-ends « foufous » où ils font venir les « sans enfants » dans leur fief, évitant ainsi habilement la corvée de 250 kilos de bagages à transporter, de la layette Simpsons au youpala en chêne massif.
Certes, j’ai bien mon frère mais paradoxalement pour les gens d’ici, cinquante kilomètres c’est le bout du monde tout comme vingt minutes de train ou quinze de marche.
Et puis en étant totalement lucide, je suis parti de la maison il était encore jeune, nous n’avons jamais vraiment « traîné ensemble ». Notre relation est plus basée sur de longs coups de téléphones et des parties de jeu de combat interminables sur console. Une relation à distance désormais de proximité. Une mise au point de focale qui prend du temps.
Je pourrais vous raconter également cette réconciliation improbable autour d’un lit d’hôpital avec celui qui fut mon encore mon père il y a dix ans, mais c’est encore tellement ténu que cela ne pèse pas ou plus.
Qu’elles semblent loin aussi mes sorties au coin du pub, qui fut ma « seconde maison », et que me semble d’un autre âge le concept de travail, de pression, de réflexion et la satisfaction du travail accompli.
Je vais à grand pas et contre ma volonté retorse sur mes trente-cinq années d’existence. Je regarde alors de haut mon parcours et me demande comment rebondir. Dois-je complètement tourner la barre du navire à 180 degrés. Mais alors … pour quoi faire ?
Mes nombreux diplômes inutiles, mes capacités et intérêts personnels sans doute trop limités me ramènent toujours au même point : Je ne sais malheureusement pas faire grand chose d’autre. Je suis à jamais Monsieur Moyen. Sur Paris ou Nantes, je n’aurai pas à me poser ces questions, ici à Lyon elles tournent sans cesse comme une ritournelle névrotique.
« Trop cher » « Pas assez technique » « Oh vous savez dans votre domaine, on a ici 3 ans de retard, vous êtes trop en avance » voici le florilège entendu ici par des « professionnels de la profession ».
J’erre sur les sites d’emplois spécialisés, je retombe inlassablement sur les mêmes douze annonces et mon regard passe de « Vous avez déjà postulé à cette offre » à « Requiert de fortes connaissances en SQL / Base de Données / SAP » et je clique sans joie sur la petite croix en haut à droite de mon navigateur internet.
Mes entretiens se concluent inlassablement sur la même moue. J’ai beau expliquer en toute honnêteté qu’il est difficile pour moi de devoir me « vendre » à mon salaire toulousain d’il y a six ans, mais le portefeuille parle et me voilà éconduit comme un amoureux trop exigeant.
Mon refuge alors, moi qui ai élevé la technique de la fuite au sommet de son art, est à porté de souris. Cette icône de jeu en ligne sur lequel reste le dernier fragment de ma vie sociale. Ce même jeu qui m’a permis il y a dix années de ne pas être totalement perdu lorsque je « montais à la capitale », même si les étudiants d’alors sont désormais tous posés et parents.
Alors oui j’y passe du temps, trop de temps bien sûr, et très souvent jusqu’au coeur de la nuit, car c’est ma seule joie quotidienne, ce petit morceau de vie sociale arrachée à la force des doigts et du micro. Désagréable impression d’avoir 25 ans à nouveau. A la différence près que mon appartement est quatre fois plus grand et qu’il y a de la vie dans la pièce d’à côté.
Je fuis car en 2012 la Vie me déçoit. Mon étoile légendaire semble m’avoir quitté à l’instar de mes modèles de droiture et d’honnêteté, que j’espère désormais dans un monde meilleur, loin de la souffrance injuste à en crier à gorge déployée de leurs derniers instants.
En juin, cela fera une année, ce sera officiellement en septembre pour l’administration mais en réalité cela dure depuis bien plus longtemps. Suis-je encore capable ? Suis-je encore un Homme selon les paradigmes machiste de la société qui font de mon genre le pourvoyeur du repas quotidien ? Suis-je dans la bonne voie ? Vais-je regretter ce choix amèrement ?
Des questions qui tournent, une confiance qui s’effrite lentement mais sûrement, un lent processus qui broie la volonté et la fierté. Et Fourvière nimbée de soleil à ma fenêtre qui me nargue tous les jours comme m’invitant à sortir dans ce « monde » que je fuis.
J’espère que j’en rirai plus tard et donnerai tout à l’instant présent pour connaître le déroulement des mois à venir.
Alors je me concentre sur l’instant présent, et sur les échéances à court terme. Ainsi, je remonte quelques jours sur Paris faire le plein de Vie, recharger mes batteries à plat.
Le Bonheur est dans les yeux de celui qui regarde.
Je regarde.
Je me contenterais bien des ‘courage’, des ‘c’est qu’une passade’ et autres conneries faux-culs du genre, mais ça ne fait généralement pas avancer. Alors si je ne devais avoir qu’un conseil, qui ne se base QUE sur une expérience qui n’est représentative que de moi-même, c’est : Bouge-toi le fion. Je t’avais dit, je crois, que j’avais pour ma part tenté l’étranger. Je n’ai regretté ce choix que pendant… disons, 24h, le temps de m’acclimater. Changer d’air, changer de référentiels, quitter un pays qui continue à miser sur les diplômes et fait peu de cas des aptitudes individuelles ou des chemins de vie fut une révélation. Tu as 35 ans ? Au Canada tu es encore dans les ‘jeunes’ à cet index là. Aujourd’hui, deux choix s’offrent effectivement à toi. T’embourber dans la nostalgie de ton appart encore décoré des posters de Duke Nukem ou tenter un truc peut-être un peu fou mais qui a réussi à pas mal de gens. Tu as un anglais de chiottes ? prends ryan air et vas bosser dans un bar à Dublin. Tu as un anglais de killer ? Prends Ryan air et vas bosser dans un bar à Dublin. Ce genre d’aventures a de nombreux mérites : rencontrer de nouvelles têtes (et les opportunités qui vont avec, te permettre de prendre de la distance par rapport à ton parcours (parfois, pour mieux revenir), te faire penser à autre chose (les filles c’est comme l’herbe, elles sont toujours plus vertes chez les autres). Et puis si ça marche pas, tu auras toujours la chambre familiale et au moins tu auras tenté un truc plutôt que de te morfondre dans ton lit ‘casto’ devenu trop petit. Essaye. Et puis ‘courage’ quand-même.
@Frenchie : Contrairement à ce qui semble transparaître dans cet article, je me bouge, comme rarement en fait. Malheureusement à l’inverse de mes périodes estudiantines, je ne suis pas seul donc je ne peux pas « tout bazarder » pour aller faire barman ici ou éleveur de chèvres là-bas 😉
Quant à la chambre familiale le concept de « over my dead body » est soft par rapport au concept mais je te remercie beaucoup pour ton petit mot
Lion en mode batteries rechargées.