2000 Jeune et fringuant je débarque à Paris, historien antique passionné de jeux vidéo – le grand écart fait homme -, à l’enfance bercée par Tilt, Joystick, Joypad, Micro’Kids et de nombreux jeux mythiques qu’il serait bien trop long d’énumérer ici sans faire du « name dropping » à la Beigbeder.
Je me revois errer tremblant à Levallois-Perret frapper en vain à la porte de toutes les rédactions spécialisées en déposant un CV quasi vide. CV que je comblerai d’un diplôme de journaliste qui me sera aussi utile qu’un parapluie au Sahara mais qui me permettra tout de même deux ans plus tard de faire des piges et des tests de jeux pour un site qui mourra malheureusement très peu de temps après, à la fin de la seconde « bulle Internet ». Le temps de comprendre le dilemme moral du journaliste : être invité à des présentations de jeux dans des endroits luxueux à s’empiffrer de petits fours et à repartir les bras chargés de cadeaux parfois onéreux et se retrouver objectif au moment de rédiger son article.
2001 D’autres diplômes plus tard je décide de trouver un vrai travail, un sérieux qui nourrit … pas comme la passion. Je rencontre en parallèle une bande de fous furieux fans des premiers jeux en ligne avec comme taverne un forum solide comme un roc et un bar dans le 5eme arrondissement. Grâce à eux je sors, découvre et me familiarise avec Paris, fais des LAN à l’autre bout du pays. Bref le jeu vidéo n’est jamais bien loin.
2003 Je découvre rapidement les joies de l’Internet et du blog à une époque où les Skyblogs n’existent pas et où le mot même de « blog » n’est connu que d’une minorité. Bien plus que tous les livres lus, mes émotions littéraires les plus fortes ont eu lieu par écran interposé sous les plumes d’inconnu(e)s qui le sont très souvent restés alors que d’autres bien moins talentueux se feront éditer quelques années plus tard. La vie est cruelle.
Je découvre le concept de starisation ouverte et celle limitée aux afficionados, la version underground, mais également les mises au ban, les petits clans, les jalousies, bref la vie de village sur Internet. Une communauté reste toujours une communauté avec ses travers immuables.
2004 Je découvre Canard PC et son style brut sans lubrifiant qui me rappelle le Canard Enchaîné dont mon grand-père me payait l’abonnement annuel. Je suis fan de ce ton libertaire, dans un sursaut de passion j’enverrai un CV bien plus tard. Trop tard en fait, j’ai désormais un métier bien plus « sérieux » et bien plus rémunérateur.
2006 Les blogs évoluent et c’est l’air des Vlog avec Vinvin en tête de file. Côté blog, on change de registre, l’anonymat chevillé au corps du blog est en train de se dissoudre tout comme son âme sous les coups de boutoir du phénomène de mode : Arrive l’ère des blogs pros et des noms affichés en gros. On ne se cache plus derrière un pseudo, on cherche à se faire un nom. Skyblog est à son apogée – y compris au niveau dédain de la part de la vieille garde – à faire son beurre avec des jeunes qui posent façon « wesh wesh » pour se donner un « style gangsta » et qui écrivent en martien mode T9.
Toute ce revirement du concept de blog n’est clairement pas ma came.
2007 Jusque là réservé aux Ricains c’est la montée en puissance de Facebook en France,. Le réseau social comporte désormais des gens que tu connais d’abord dans la vraie vie (IRL) puis sur le Web et non l’inverse comme c’était le cas auparavant. Ta famille en fait désormais partie. Pratique au début mais très vite malsain.
2008 A force de voir passer des choses LOL sur les Interwebs reprises deux ans plus tard à la TV lors d’une chronique moisie, renvoyées par mail par un joyeux luron ou postées sur Facebook un an après, on se dit qu’en faire un site sur notre temps libre – ou presque – ne serait pas complètement con. Un site anti-old en quelque sorte.
2009 Poussé par le mouvement de foule des hyper-connectés que je côtoie quotidiennement j’ouvre un compte Twitter en pestant contre son inutilité et son côté élitiste. Assez rapidement je changerai d’avis sur un point, le frisson de la découverte et l’addiction est comparable à celui du blog.
2011 Je fais le bilan calmement. Les sites à base de LOL sont devenus un business bien juteux, le royaume des pros de la rigolade, des gens qui veulent en vivre, l’amateurisme est mort.
Sur Twitter on ne se parle plus ou presque, les RT devenus automatiques empêchent de personnaliser le cycle de l’information et de créer des contacts / des échanges entre les gens. Le « followback » est devenu une norme alors que cela relève plus d’un échange puéril de bon procédé. Les clans sont formés, l’intelligentsia journalistico-staro-geek des gens qui ne se parlent qu’entre eux et ignorent les interventions des péquins lambda est une réalité. On se moque des nouveaux arrivants jeunes et analphabètes où plutôt alphabétisés à coup de SMS. Le cycle de la communauté reprend ses droits.
Côté professionnel, j’ai abandonné l’espoir de travailler dans les jeux vidéos et atteint un stade où il me faut choisir – pour caricaturer – entre être un opérationnel ou un commercial, et tous les contacts que je reçois me proposent des jobs uniquement sur Paris. Sauf que Paris est de plus en plus cher, de moins en moins agréable à vivre, surtout quand on connaît la qualité de vie des autres citadins de France.
Tel un quadra en pleine crise, je me demande à quoi je suis réellement bon et tente une auto-analyse la plus honnête possible :
Je ne suis ni un matheux, ni un juriste, ni un bon commercial capable de vendre sa grand-mère, je reste très mauvais pour le baratin et mon honnêteté liée à un caractère parfois trop explosif m’a causé plus de soucis que de bienfaits dans ma « carrière ». J’aime les gens malins et humains, j’aime apprendre au contact de ceux qui ont du talent et ce quel que soit leur domaine.
Sûrement car je n’ai aucun talent : Je ne sais ni faire de musique, ni chanter, ni danser, ni écrire comme un dieu, ni coder, ni dessiner.
Je ne trouve donc rien d’exploitable professionnellement à part le fait d’avoir une bonne capacité de synthèse et un « oeil » assez sûr pour les créations graphiques; et ce malgré mon daltonisme aigu … où alors peut-être grâce à lui qui sait.
Je suis donc Monsieur Moyen.
Tout cela ne me donne pas un nouveau métier, une nouvelle voie évidente à suivre.
Un collègue blogueur et alcoolique m’avait rapporté un jour une maxime qui s’est révélée complètement exacte avec les années : « Chaque déménagement induit forcément un deuil : Soit le deuil de la qualité de vie, soit le deuil du travail, soit le deuil des amis et/ou de la famille ».
Je vais donc faire le deuil du travail.
Monsieur Moyen peut-être, mais monsieur Humain surtout, et c’est ce qui fait de toi quelqu’un de bien 😉 (et que j’aime bien, allez, c’est le moment grandes effusions, jte kiffe mec ^^)
En tout cas, t’as un joli parcours je trouve (bien au dessus de la moyenne, spèce de modeste va) et beaucoup pourrait t’envier ton expérience.
Je suis sûre que tu finiras par trouver un truc qui te plaît vraiment. Faut pas fermer les portes comme ça 😉
Oh ça me touche ce que tu dis. Merci
Mis à part le fait que mon registre c’était pas (du tout) le jeu vidéo mais la zique (d’où l’un de mes com précédents) et mon terrain de jeu pas (du tout) paname, ton cv pourrait être un copy-paste du mien. Je me préparais donc, aussi, à une jolie carrière dans l’un de ces média où l’on t’explique que c’est assez prestigieux pour ne pas avoir l’outrecuidance d’être, en plus, rémunéré ou considéré. Et puis… J’ai quitté la France, pour l’un de ces pays voisins où l’on s’intéresse davantage à ton profil, ton enthousiasme, ta plume qu’à ton CV ou tes diplômes. Je ne regrette ni la France ni mes potes depuis. Je retrouve (et quitte) les deux en fonction de mes envies. Le reste du temps, je m’éclate comme un dingue et porte un regard mi-attristé, mi-narquois, mi-molette sur ce conservatisme à la Française dont je ne peux que te recommander de te libérer.
Oh ça m’intéresse grandement ton discours jeune homme, t’es parti dans quel pays civilisé ?
Dans un micro-pays coincé entre la France, la Belgique, et l’Allemagne. Une petite nation que la France désigne, opportunément, de paradis fiscal, alors qu’on ne pratique ici que du In-shore (et donc en respect total des réglementations eiuropéennes) là où certains territoires français outre-mer ne se mouchent pas avec le dos de la main morte. Un tout petit bout de territoire, donc, où l’euthanasie est légale (en complément d’un vaste programme d’accompagnement de la fin de vie) malgré l’histoire religieuse du pays, un endroit où, malgré les propos débiles d’une Bachelot, l’expérience des centres d’injection pour toxicomanes porte ses fruits, une capitale où près de 160 nationalités cohabitent sans heurts. je te laisse deviner du coup 😉 Bon c’est pas seulement un Disneyland non-plus, l’avortement n’est, paradoxalement, pas autorisé si ce n’est pour raison médicale et la queue permanente au centre de recyclage (qui fait chaud au coeur) ne me fera pas oublier que c’est aussi le pays de la bagnole. Il n’empêche que vu d’ici, la France apparait souvent comme un pays super réac (notamment en matière, donc, de recrutement et de gestion des carrières). Ici, on te laisse ta chance sur des postes à responsabilité sans tiquer nécessairement sur ton âge ou tes diplômes. M’enfin c’est ma vision.
Oh je vois bien le petit pays, je me demande comment ça marche au niveau de l’emploi là-bas, je vais regarder pour ne pas mourir bête. Merci pour les infos et le dépliant de l’office du tourisme made in Frog :p
6% de chômage 😉 (Mais ça va monter vite au regard du contexte actuel). Et si tu voyais le niveau de la presse locale, je crois que tu n’aurais pas grand mal à te frayer un chemin.